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SCÈNE XIV.

BÉNÉDICT.

Infligé de l’amour ! l’expression est parfaite ! Il m’a bien été infligé, en effet ; car c’est malgré moi que je t’aime.

BÉATRICE.

C’est, je pense, en dépit de votre cœur. Hélas ! ce pauvre cœur ! si vous le dépitez autant pour l’amour de moi, je le dépiterai pour l’amour de vous : car je ne veux pas aimer ce que mon ami déteste.

BÉNÉDICT.

Toi et moi, nous avons trop d’esprit pour coqueter paisiblement.

BÉATRICE.

Il n’en paraît rien dans cet aveu-là : il n’y a pas un homme d’esprit sur vingt qui se vante lui-même.

BÉNÉDICT.

Vieux système, Béatrice, vieux système qui existait au temps des bonnes fées ! Dans ce siècle, si un homme n’érige pas son propre tombeau avant de mourir, il risque de n’avoir pas un monument plus durable que le tintement de la cloche et les pleurs de sa veuve.

BÉATRICE.

Et combien durent-ils, croyez-vous ?

BÉNÉDICT.

Quelle question ! une heure de hauts cris et un quart d’heure de larmoiement ! Je conseille donc fort au sage, si don Vermisseau, le scrupule, n’y fait pas obstacle, d’être, comme moi, le trompette de ses propres vertus. En voilà assez sur mon panégyrique par moi-même qui, je me rends ce témoignage, est parfaitement mérité… Dites-moi maintenant comment se trouve votre cousine.

BÉATRICE.

Fort mal.