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SCÈNE XIII.
bliez pas au moins que je suis un âne !… Non, coquin, c’est toi qui es un monstre de piété, ainsi qu’on te le prouvera par de bons témoignages. Je suis, moi, un sage compagnon, et, qui plus est, un fonctionnaire, et, qui plus est, père de famille, et, qui plus est, le plus joli morceau de chair qui existe à Messine ; un homme qui connaît les lois, vois-tu ! et qui est assez riche, vois-tu ! un gaillard qui a fait des pertes, ce qui ne l’empêche pas d’avoir deux robes et de ne porter que du beau !… Emmenez-le !… Ah ! que ne suis-je inscrit comme âne !
Tous sortent.

SCÈNE XIII.
[Dans le palais.]
Entrent Léonato et Antonio.
ANTONIO.

— Si vous continuez ainsi, vous vous tuerez : — il n’est pas sage de seconder ainsi la douleur — contre vous-même.

LÉONATO.

Je t’en prie, épargne-moi tes conseils — qui tombent dans mon oreille sans plus de profit — que de l’eau dans un crible. Ne me donne plus de conseil ; — qu’aucun consolateur n’essaie de charmer mon oreille, — si ses souffrances ne sont pas conformes aux miennes ! — Amène-moi un homme ayant aimé autant que moi son enfant, — et dont la joie paternelle ait été brisée comme la mienne, — puis dis-lui de parler de patience. — Mesure son mal à la longueur et à la largeur du mien ; — qu’il y réponde effort pour effort, — détail pour détail,