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SCÈNE VIII.

CONRAD.

Oui, la mode n’est qu’une mode.

BORACHIO.

Bah ! autant dire qu’un fou n’est qu’un fou. Ne vois-tu pas que la mode n’est qu’un fléau grotesque ?

PREMIER WATCHMAN, à part.

Je connais ce Grotesque-là : c’est un affreux voleur qui depuis sept ans s’introduit partout comme un gentilhomme : je me rappelle son nom.

BORACHIO.

N’as-tu pas entendu quelqu’un ?

CONRAD.

Non : c’était la girouette sur le toit.

BORACHIO.

Ne vois-tu pas, dis-je, que la mode n’est qu’un fléau grotesque ? Ah ! vois comme elle étourdit toutes les têtes chaudes, de quatorze à trente-cinq ans ! Tantôt elle les affuble comme des soldats de Pharaon peints sur une toile enfumée ; tantôt, comme les prêtres du dieu Baal qu’on voit aux vitraux d’une vieille église ; tantôt, comme ces Hercules rasés d’une tapisserie rongée des vers, qui ont la braguette aussi grosse que leur massue.

CONRAD.

Je vois tout cela, et je vois aussi que la mode use plus d’habits que l’homme. La mode ne t’a-t-elle pas si bien tourné la tête, à toi-même, que, pour me parler d’elle, tu as laissé de côté ton récit ?

BORACHIO.

Nullement. Sache donc que cette nuit j’ai courtisé Marguerite, la suivante d’Héro, sous le nom d’Héro elle-même : penchée à la fenêtre de la chambre de sa maîtresse, elle m’a dit mille fois adieu. Je te raconte tout cela confusément. J’aurais dû te dire d’abord comment le prince et Claudio, postés, placés et prévenus par mon