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SCÈNE IV.

Bénédict et Béatrice, qui ont causé tous deux depuis le commencement de la scène, viennent en se promenant sur le devant du théâtre.
BÉATRICE.

Vous ne voulez donc pas me dire qui vous a dit ça ?

BÉNÉDICT.

Non, vous me pardonnerez.

BÉATRICE.

Ni me dire qui vous êtes ?

BÉNÉDICT.

Pas maintenant.

BÉATRICE.

Que je fais la dédaigneuse, et que je tire tout mon esprit des Cent nouvelles nouvelles ! Eh bien ! c’est le signor Bénédict qui a dit ça.

BÉNÉDICT.

Qu’est-ce que ce Bénédict ?

BÉATRICE.

Je suis sûre que vous le connaissez suffisamment.

BÉNÉDICT.

Pas du tout, croyez-moi.

BÉATRICE.

Est-ce qu’il ne vous a jamais fait rire.

BÉNÉDICT.

Voyons, dites-moi ce qu’il est.

BÉATRICE.

Eh bien, c’est le bouffon du prince ; un fou fort assommant ! Le seul don qu’il ait est de débiter d’impossibles calomnies ; il n’y a que les libertins qui le prennent en goût, et encore ce n’est pas à son esprit qu’il doit son succès, c’est à sa méchanceté : car il amuse les hommes en même temps qu’il les fâche ; aussi, ils commencent par rire de lui et ils finissent par le battre. Je suis sûre qu’il louvoie par ici ; je voudrais qu’il m’abordât.