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LES JALOUX.

qui est restée à Troie et qu’il a peur de voir occire lorsque la cité sera prise. Sur l’intercession du roi des Grecs, le roi des Troyens, Priam, accorde la requête de Calcas, et Briseïda doit être rendue à son père. Voilà les amoureux séparés. Troylus est furieux de ne plus voir Briseïda ; Briseïda est désespérée de ne plus voir Troylus. N’importe ! il faut se dire adieu, et les voilà qui s’embrassent.

Mais la dolor qui cueur lor toce
Lor fait venir parmi la boce
Les larmes qui chiient des ex.

Briseïda avait beaucoup d’amis dans Troie. Le jour de son départ, une foule de seigneurs et de gentilshommes la reconduisent en grande pompe, et Troylus, tout fils de Priam et tout prince du sang qu’il est, tient à honneur de mener par la bride le destrier de sa belle jusqu’aux portes de la cité. C’est là que la « pucelle, » pleurant à chaudes larmes, est remise à Dyomedes, fils de Tydeus. Dyomedes, en galant chevalier, essaie immédiatement de consoler Briseïda ; mais Briseïda ne veut pas être consolée si vite. Elle craint d’être méprisée si elle accorde sitôt ce que Dyomedes lui demande. Dyomedes est patient : il attendra le bon plaisir de Briseïda. C’est ainsi que tous deux arrivent, en devisant, à la tente de Calcas, pavillon qui, soit dit en passant, appartenait naguère au riche Pharaon, cil qui noya en la mer Roge. Là Briseïda reçoit des princes grecs les hommages les plus courtois, et de Dyomedes les soins les plus tendres. Enfin la pucelle est consolée. Troylus n’a pas plus tôt deviné l’infidélité de Briseïda, qu’il jure de se venger de son rival. Il poursuit Dyomedes sur le champ de bataille ; il le blesse, et, au moment où on emporte le fils de Tydeus, à demi-mort, il l’accable des plus cruelles raille-