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TROYLUS ET CRESSIDA.

DIOMÈDE.

— Demain, je le porterai sur mon casque — et je ferai souffrir le donateur, qui n’osera pas le réclamer.

TROYLUS, à part.

— Tu serais le diable et tu le porterais sur ta corne, — qu’il serait réclamé.

CRESSIDA.

— Allons ! allons ! c’est fini, c’est décidé… Et pourtant non. — Je ne tiendrai pas ma parole.

DIOMÈDE.

Eh bien, alors, adieu. — Tu n’auras plus à te moquer de Diomède.

CRESSIDA, le retenant.

— Vous ne vous en irez pas… On ne peut dire un mot — sans qu’aussitôt vous vous emportiez.

DIOMÈDE.

Je n’aime pas cette plaisanterie.

THERSITE, à part.

Ni moi, par Pluton ; mais ce que tu n’aimes pas ne m’en plaît que mieux.

DIOMÈDE.

— Allons, dois-je venir ? À quelle heure ?

CRESSIDA.

Oui, venez… ô Jupiter !… — Venez… Je me prépare bien des tourments !

DIOMÈDE.

Adieu, jusque-là !

CRESSIDA.

— Bonne nuit… Je t’en prie, viens.

Diomède sort.

— Troylus, adieu ! Un de mes yeux est encore fixé sur toi, — mais l’autre se détourne avec mon cœur. — Ah ! notre pauvre sexe ! le défaut que je trouve en nous, — c’est que l’erreur de nos yeux dirige notre sentiment, —