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TROYLUS ET CRESSIDA.
mons, les ampoules pleines d’humeur, la sciatique, la calcination de la paume des mains, l’incurable ostéocope et les dartres indestructibles te fassent à jamais expier ces abominations notoires !
PATROCLE.

Ah çà ! infernale boîte d’envie, qu’as-tu à maudire ainsi ?

THERSITE.

Est-ce que je te maudis ?

PATROCLE.

Eh bien ! non, barrique qui fuit ! informe portée de putain, non !

THERSITE.

Non ? pourquoi alors es-tu si exaspéré, mauvais écheveau de soie écrue, abat-jour de taffetas vert pour yeux malades, gland de la bourse d’un prodigue ? Ah ! comme le pauvre monde est empesté par ces mouches d’eau, par ces infusoires de la nature !

PATROCLE.

Hors d’ici, fiel !

THERSITE.

Pie dans l’œuf !

ACHILLE.

— Mon doux Patrocle, je dois renoncer tout à fait — à mon grand projet de bataille pour demain. — Voici une lettre de la reine Hécube — et un mot de sa fille, ma bien-aimée ; — toutes deux me somment et me pressent de tenir — le serment que j’ai fait. Je ne veux pas le violer. — Tombez, Grecs ! succombe, renommée ! honneur, va-t’en ou reste ! — Mon vœu suprême est ici, c’est à lui que j’obéis. — Viens, viens, Thersite, aide-moi à arranger ma tente. — Cette nuit doit se passer tout entière à banqueter. — Allons, Patrocle. —

Achille et Patrocle disparaissent dans la tente. Il fait nuit. La tente d’Achille s’illumine.