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TROYLUS ET CRESSIDA.

À Pandarus.

— Dites-leur de prendre patience, elle va venir tout à l’heure. —

PANDARUS.

Où sont mes larmes ? Il faut de la pluie pour abattre cet orage-là, ou mon cœur va être déraciné.

Pandarus sort.
CRESSIDA.

— Il faut donc que j’aille auprès des Grecs ?

TROYLUS.

Pas de remède.

CRESSIDA.

— La triste Cressida au milieu des joyeux Grecs !… — Quand nous reverrons-nous ?

TROYLUS.

— Écoute-moi, mon amour. Sois-moi fidèle de cœur…

CRESSIDA.

— Moi fidèle ! comment ! quel est ce vilain soupçon ?

TROYLUS.

— Ah ! ménageons les gronderies, — car c’est le moment de la séparation. — Je ne te dis pas : Sois fidèle, comme si je doutais de toi ; — car je jetterais mon gant à la Mort elle-même, — pour soutenir que mon cœur est immaculé ; — si je t’ai dit : Sois fidèle, c’était pour conclure — par une promesse : Sois fidèle, — et j’irai te voir.

CRESSIDA.

— Oh ! vous vous exposez, monseigneur, à des dangers — aussi infinis qu’imminents ! Mais je serai fidèle.

TROYLUS.

— Eh bien, je me ferai l’ami du danger… Porte cette manchette.

CRESSIDA.

— Et vous, ce gant. Quand vous reverrai-je ?