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TROYLUS ET CRESSIDA.
plantagenêt à la lune, — comme le soleil au jour, comme la tourterelle à son mâle, — comme le fer à l’aimant, comme la terre au centre, — en bien, après toutes ces comparaisons, la fidélité — me citera comme son auteur authentique, — et ces mots. Fidèle comme Troylus, couronneront son vers — et sanctifieront ses nombres.
CRESSIDA.

Puissiez-vous être prophète ! — Si je suis infidèle, si ma constance dévie d’un cheveu, — qu’un jour, quand le temps se sera oublié lui-même à force de vieillir, — quand les gouttes d’eau auront usé les pierres de Troie, — quand l’aveugle oubli aura dévoré des cités — et que de puissants États, restés sans monument, se seront émiettés — dans la poussière du néant ; qu’alors la mémoire humaine — revienne, de faussetés en faussetés, au milieu des amantes perfides, — dénoncer ma fausseté ! Oui, quand tous auront dit : Fausse — comme l’air, comme l’onde, comme le vent, comme le sable, — comme le renard à l’agneau, comme le loup au veau, — le léopard à la biche, ou la marâtre à son fils, — qu’alors, pour atteindre la fausseté au cœur, tous ajoutent : — Fausse comme Cressida ! —

PANDARUS.

Allons, voilà un marché conclu ; scellez-le, scellez-le, je serai le témoin.

À Troylus.

Donnez-moi votre main ; votre main, ma nièce ! Si jamais vous devenez infidèles l’un à l’autre, après les peines que j’ai prises pour vous réunir ensemble, que tous les pauvres entremetteurs soient appelés de mon nom jusqu’à la fin du monde, qu’on les traite de Pandarus ! Que tous les hommes inconstants soient des Troylus, toutes les femmes infidèles des Cressidas, et tous les entremetteurs des Pandarus ! Dites : Amen !