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TROYLUS ET CRESSIDA.

AGAMEMNON.

Qu’Ajax aille le trouver !

À Ajax.

— Cher seigneur, allez le saluer dans sa tente. — On dit qu’il fait grand cas de vous ; il se laissera, — à votre requête, dévier un peu de sa personnalité.

ULYSSE.

— Ô Agamemnon ! qu’il n’en soit pas ainsi ! — Nous bénirons tous les pas qu’Ajax fera — pour s’éloigner d’Achille. Quoi ! ce seigneur hautain — qui taille son arrogance en plein drap, — et qui ne laisse rien — entrer dans sa pensée que ce qu’il a médité — et ruminé lui-même, voudrons-nous qu’il soit adoré — par celui qui est pour nous une plus chère idole ? — Non, ce trois fois digne et vaillant seigneur — ne doit pas flétrir ainsi

Il montre Ajax.
des palmes si noblement acquises ; — non, ce n’est pas avec mon agrément qu’il humiliera son mérite, — aussi amplement titré que l’est celui d’Achille, — en allant à Achille ! — Ce serait engraisser chez l’autre le pourceau orgueil ; — ce serait ajouter des charbons au Cancer quand il brûle — de ses feux le grand Hypérion ! — Ce seigneur aller à Achille ! Que Jupiter nous en garde — et crie d’une voix de tonnerre : Qu’Achille aille à Ajax.
NESTOR, à part.

— Oh ! voilà qui est bien ; il le caresse à son endroit faible.

DIOMÈDE, à part, montrant Ajax.

— Comme son silence hume ces louanges !

AJAX.

— Si je vais à lui, je veux avec mon gantelet lui broyer — le visage.