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SCÈNE VI.

ULYSSE.

— L’éléphant a des jointures, mais pas pour la politesse. — Il a des jambes pour se tenir, non pour fléchir.

PATROCLE.

— Achille me charge de vous dire qu’il est fort contrarié si d’autres motifs que la distraction et le plaisir — ont décidé votre Grandeur et ce noble cortége — à lui faire visite ; tout ce que vous vouliez, il l’espère, c’était, pour le bien de votre santé et de votre digestion, — prendre un peu l’air après dîner.

AGAMEMNON.

Écoutez, Patrocle. — Nous sommes trop habitués à ces réponses-là ; — mais ces prétextes, ainsi lancés sur les ailes du dédain, — ne sauraient dépasser notre pénétration. — Il a beaucoup de mérite, et nous avons beaucoup de raisons — pour le reconnaître ; pourtant toutes ses vertus, — n’étant pas employées par lui vertueusement, — commencent à perdre de leur éclat à nos yeux, — et, comme de beaux fruits servis sur un plat impur, — elles ont grandes chances de pourrir sans être goûtées. Allez lui dire — que nous sommes venus pour lui parler, et vous ne ferez pas mal — d’ajouter que nous le trouvons plus que fier — et moins qu’honnête, plus grand par sa présomption — que par le suffrage de l’opinion : qu’il le sache, de plus dignes que lui, — subissant ici sa sauvage incartade, — voilent la majesté sacrée de leur pouvoir — pour condescendre avec indulgence — à ses prétentions fantasques, et consentent même à épier — le flux et le reflux de sa mauvaise humeur ; comme si — la direction et tout le poids de cette guerre — flottaient au gré de ses caprices ! Allez lui répéter cela, mais ajoutez — que, s’il se met à un prix trop haut, — nous nous passerons de lui, et que comme un engin — hors de service, nous le mettrons au rebut en disant : — Employons un autre