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TROYLUS ET CRESSIDA.

SCÈNE VI.
[Le camp grec devant la tente d’Achille.]
Arrive Thersite.
THERSITE.

Eh bien ! Thersite ! quoi ! te voilà perdu dans le labyrinthe de ta fureur ? Sera-t-il dit que l’éléphant Ajax l’emporte ainsi ? Il me bat, et je me moque de lui. Ah ! la belle satisfaction ! j’aimerais mieux tout le contraire : que ce fût moi qui le battisse et lui qui se moquât de moi. Corne de bœuf ! j’apprendrai, s’il le faut, à évoquer et à conjurer des diables, mais je veux une issue aux exécrations de ma rancune. Et puis, voilà cet Achille, un rare ingénieur, ma foi ! Si Troie ne doit pas être prise avant que ces deux-là l’aient minée, ses murailles resteront debout jusqu’à ce qu’elles tombent d’elles-mêmes. Ô toi, grand lance-foudre de l’Olympe, oublie que tu es Jupiter, roi des dieux, et toi, Mercure, perds toute la science serpentine de ton caducée, si tous deux vous n’enlevez pas à ces hommes la petite, la toute petite, la minime dose d’esprit qu’ils possèdent. Ils en ont si peu, de l’aveu même de la plus incapable ignorance, que, pour délivrer une mouche d’une araignée, ils ne trouveraient pas d’autre expédient que de dégaîner leur massive ferraille et de couper la toile. Après cela, que le malheur fonde sur tout le camp, ou tout au moins la carie des os, car c’est, il me semble, le fléau attaché à ceux qui s’échinent pour un cotillon ! J’ai dit mes prières. Au démon Envie à dire : Amen !

Criant.

Holà ! hé ! monseigneur Achille !