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NOTES.

féauté envers toi, et j’accorde la rémission de ses péchés à quiconque portera les armes contre toi ou t’assassinera : telle est ma sentence, et je commande à tous les gens de bien de t’abhorrer comme une personne excommuniée. »

Ainsi que je l’ai dit plus haut, cette lutte entre le roi Jean et le saint-siége avait été depuis longtemps représentée sur la scène anglaise. Quarante ans auparavant, sous le règne d’Édouard VI, l’évêque John Bale avait composé sur le même sujet une moralité qui avait eu grand succès. On y voyait paraître le cardinal Pandolphe, précédé de quatre prêtres portant, l’un, une croix, l’autre, un livre, le troisième, une chandelle, le quatrième, une cloche et déclamant solennellement les vers suivants :

Puisque le roi Jean traite ainsi la sainte Église, — je le maudis par la croix, par le livre, par la cloche et par la chandelle. — De même que cette croix est maintenant détournée de ma face, — de même je prie Dieu de le séquestrer hors de sa grâce. — De même que je lance ce livre loin de moi, — qu’ainsi Dieu écarte de lui tous ses bienfaits. — De même que cette flamme brûlante s’échappe de cette chandelle, — qu’ainsi Dieu le rejette de son éternelle lumière. — Je le retire au Christ, et, au son de cette cloche, — je donne son corps et son âme au diable de l’enfer.

Ainsi, dès les premiers temps de la Réforme, le théâtre anglais, venant en aide à la chaire protestante dans sa polémique contre la papauté, avait présenté la querelle entre le roi Jean et Innocent III comme le symbole de la grande lutte du pouvoir temporel contre le pouvoir spirituel. Mais, si les contemporains d’Édouard VI furent émus par les tirades puériles de l’évêque John Bale, combien le public de Shakespeare devait être agité par la mâle satire du Roi Jean ! Comme la fière réplique du prince excommunié au légat du pape devait être applaudie par le peuple qui avait repoussé la catholique armada, et dont la reine venait d’être frappée d’anathème par Sixte-Quint !

(35) Dans l’histoire, ce n’est pas le duc d’Autriche, c’est le vicomte de Limoges qui meurt de la main du Bâtard. « La même année 1199, Philippe, fils bâtard du roi Richard, à qui son père avait donné le château et le titre de Cognac, tua le vicomte de Limoges pour venger la mort de son père qui, comme vous l’avez vu, avait été tué en assiégeant le château de Chalus Cheverel. » (Holinshed.)

(36) Il est infiniment curieux de comparer cette scène fameuse avec