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MACBETH, LE ROI JEAN ET RICHARD III.

montagne haute de 1,040 pieds, au sommet de laquelle on retrouve les traces d’un ancien fort appelé la Cour de Duncan. On y montre encore deux vieux arbres qui sont, assure-t-on, l’unique débris de l’immense forêt qui vainquit Macbeth.

(22) Ainsi que Macbeth, le Roi Jean fut imprimé pour la première fois, en 1623, dans la collection in-folio des pièces de Shakespeare. Mais nous savons, par la mention qu’en fit Francis Meres en 1598, que ce drame était déjà en vogue dans les dernières années du seizième siècle. Les commentateurs ont essayé de fixer la date précise de son apparition. Malone regarde les lamentations maternelles de Constance comme l’expression de la douleur du poëte qui perdit son fils Arthur en 1596 ; Johnson pense que les éloges faits par Châtillon de l’armée anglaise qui doit débarquer en France, sont un compliment détourné au corps expéditionnaire que le comte d’Essex commandait à l’assaut de Cadix, dans cette même année 1596 ; enfin, Chalmers croit voir dans le duc d’Autriche le portrait peu flatteur de l’archiduc Albert, et dans le siége d’Angers une peinture du fameux siége d’Amiens qui eut lieu en 1597. S’il fallait s’en rapporter à ces conjectures, ce serait donc dans l’intervalle compris entre 1596 et 1598 qu’aurait eu lieu la première représentation du Roi Jean. Mais ce qui leur ôte leur valeur absolue, c’est que les détails signalés ici par les commentateurs se retrouvent dans une pièce composée sur le même sujet et imprimée en 1591.

En effet, avant la représentation de la pièce qui porte le nom de Shakespeare, le sujet du Roi Jean avait été mis deux fois sur la scène anglaise. Dès le règne d’Édouard VI, un certain John Bale avait fait un Roi Jean qui marque d’une façon frappante la transition entre les moralités du moyen âge et le drame shakespearien. John Bale était évêque, et pourtant telle est l’obscénité et l’audace de ses vers que les critiques ont peur de les citer. Voulant pousser à la réforme religieuse, dont il était l’un des plus chauds partisans, le très-révérend auteur avait extrait de la chronique quelques événements du règne de Jean, ses disputes avec le pape, les souffrances de l’Angleterre pendant l’interdit, la soumission du roi à l’évêque de Rome, son empoisonnement par un moine, et il avait fait de tous ces événements des allusions faciles aux choses de son temps. Dans ce curieux mystère, John Bale avait fait paraître, outre le roi Jean, ayant le rôle principal, — le pape Innocent, le cardinal Pandolphe, Étienne Langton, Simon de Swinshead et un moine appelé Raymond, tous personnages historiques, auxquels il avait adjoint des figures allégo-