Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 3.djvu/415

Cette page a été validée par deux contributeurs.
411
SCÈNE XVIII.
lettre le récit de tes nobles actions : — dis-lui que tu as fait disparaître son oncle Clarence, — son oncle Rivers, oui, et que, par intérêt pour elle, — tu as expédié sa bonne tante Anne.
RICHARD.

— Vous vous moquez de moi, madame, ce n’est pas — là le moyen de gagner votre fille.

LA REINE ÉLISABETH.

Il n’en est point d’autre, — à moins que tu ne puisses prendre quelque autre forme, — et cesser d’être le Richard qui a fait tout cela.

RICHARD.

— Si je disais que j’ai fait tout cela pour l’amour d’elle ?

LA REINE ÉLISABETH.

— Alors, ma foi ! elle ne pourrait manquer de te haïr — pour avoir acheté son amour au prix de si sanglantes dépouilles.

RICHARD.

— Écoutez. Ce qui est fait ne peut plus se réparer. — Les hommes commettent parfois par irréflexion — des actes dont quelques heures suffisent à les faire repentir. — Si j’ai pris la royauté à vos fils, — je veux, en réparation, la donner à votre fille. — Si j’ai tué la race issue de vos entrailles, — je veux, pour ranimer votre postérité, — engendrer de votre fille une famille de votre sang. — Le nom de grand’mère n’est guère moindre en amour — que le titre passionné de mère. — Ce seront toujours vos enfants, à un degré au-dessous. — Ils seront de votre humeur, de votre sang même ; — nés des mêmes douleurs, sauf une nuit de gémissements — endurée par celle pour qui vous avez souffert la pareille. — Vos enfants ont été le tourment de votre jeunesse ; — les miens seront la consolation de vos vieux jours. — Qu’avez-vous