Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 3.djvu/341

Cette page a été validée par deux contributeurs.
337
SCÈNE VI.
rant la mort de mon digne mari, — j’avais vécu à regarder ses images ; — mais maintenant, les deux miroirs, où je retrouvais sa ressemblance auguste, — sont mis en pièces par la mort méchante, — et, pour consolation, je n’ai plus qu’une glace trompeuse — où j’ai la tristesse de ne voir que ma honte. — Tu es veuve, mais tu restes mère, — et tu as encore la consolation de tes enfants, — tandis que la mort a enlevé mon mari de mes bras, — et arraché de mes faibles mains mes deux béquilles, — Clarence et Édouard ! Oh ! que de motifs j’ai, — ton malheur n’étant que la moitié du mien, — de dominer tes plaintes et de noyer tes pleurs dans les miens !
LE FILS DE CLARENCE, à la reine.

— Ah ! tante ! vous n’avez pas pleuré pour la mort de notre père : — pourquoi vous aiderions-nous de nos larmes filiales ?

LA FILLE.

— Pas un cri n’a répondu à notre détresse orpheline : — eh bien, que votre douleur douairière reste sans écho !

ÉLISABETH.

— Je ne veux pas de secours à mes lamentations ! — Le désespoir en moi n’est pas aride : — il peut faire affluer toutes ses sources dans mes yeux, — jusqu’à ce que, gouvernée par la lune humide, — la marée de mes larmes submerge le monde ! — Ah ! mon mari ! mon cher seigneur Édouard !

LES ENFANTS.

— Ah ! notre père ! notre cher seigneur Clarence !

LA DUCHESSE.

— Hélas ! mes deux enfants ! Édouard ! Clarence !

ÉLISABETH.

— Quel autre soutien avais-je qu’Édouard ? Et il n’est plus !