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cette crise suprême, Jean montre une activité surprenante : lui qui, en 1204, avait perdu la Normandie sans coup férir, il prend cette fois l’offensive ; il réunit à Portsmouth tous les navires capables de porter six chevaux, passe la Manche, brûle Dieppe, et détruit dans le port de Fécamp les armements de Philippe.

Cependant un personnage singulier vient le déranger au milieu de ses victoires. « Dans ce temps-là il y avait un ermite nommé Pierre, qui demeurait aux environs d’York. Cet homme avait une grande réputation dans le commun peuple, parce qu’il avait coutume de prédire l’avenir, soit que, selon l’opinion commune, il fût inspiré de quelque esprit de prophétie, soit qu’il eût quelque expérience remarquable de l’art magique. Le 1er  janvier (1213), Pierre déclara au roi qu’il serait dépossédé de son royaume à la fête de l’Ascension prochaine. Et il s’offrit à subir la mort, si ses paroles ne se réalisaient pas[1]. » Le roi Jean traita l’homme d’imposteur et le fît jeter en prison ; mais alors des signes apparurent dans le ciel comme pour confirmer les paroles du prophète populaire. Un soir, les habitants de la province d’York virent distinctement « cinq lunes ; la première à l’est, la seconde à l’ouest, la troisième au nord, la quatrième au sud, et la cinquième, environnée de nombreuses étoiles, au milieu des autres. Ces lunes tournèrent cinq ou six fois les unes autour des autres pendant près d’une heure, et, peu après, s’évanouirent[2]. » En apercevant ces météores, Jean se rappelle la chute de César : il redoute quelque catastrophe imprévue ; je ne sais quel vertige le gagne ; et, croyant éviter le danger, il s’y précipite. — Le 15 mai 1213, au jour même que Pierre de Pomfret avait indiqué, le roi fait hommage au pape, et, par un

  1. Holinshed.
  2. Holinshed.