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SCÈNE II.

PREMIER GENTILHOMME.

— Milord, retirez-vous et laissez passer le cercueil.

RICHARD.

— Chien malappris ! arrête donc quand je le commande. — Lève ta hallebarde plus haut que ma poitrine, — ou, par saint Paul, je t’abats à mes pieds, — et je t’écrase, gueux, pour ta hardiesse.

Les porteurs déposent le corps.
LADY ANNE.

— Quoi ! vous tremblez ? vous avez tous peur ? — Hélas, je ne vous blâme pas, car vous êtes mortels, — et les yeux mortels ne peuvent pas endurer le démon. — Arrière, toi, horrible ministre de l’enfer ! — Tu n’avais de pouvoir que sur son corps mortel. — Son âme, tu ne peux l’avoir. Ainsi, va-t’en !

RICHARD.

— Douce sainte, au nom de la charité, moins de malédictions !

LADY ANNE.

— Hideux démon, au nom de Dieu, hors d’ici ! Ne nous trouble pas. — Tu as fait ton enfer de la terre heureuse. — Tu l’as remplie d’imprécations et de blasphèmes profonds. — Si tu aimes à contempler tes actes affreux, — regarde ce chef-d’œuvre de tes boucheries ! — Oh ! messieurs, voyez, voyez ! Les blessures de Henry mort — ouvrent leurs bouches glacées et saignent de nouveau (45) ! — Rougis, rougis, amas de noires difformités, — car c’est ta présence qui aspire le sang — de ces veines froides et vides où le sang n’est plus. — Ton forfait, inhumain, monstrueux, — provoque ce déluge monstrueux. — Ô Dieu, qui fis ce sang, venge cette mort ! — Ô terre, qui bois ce sang, venge cette mort ! — Ciel, foudroie le meurtrier de tes éclairs ; — ou bien, terre, ouvre ta gueule béante, et mange-le vivant ; —