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SCÈNE II.

haine contre Clarence — par des mensonges acérés d’arguments puissants, — et, si je n’échoue pas dans mon projet profond, — Clarence n’a pas un jour de plus à vivre. — Cela fait, que Dieu prenne le roi Édouard à sa merci, — et me laisse le monde pour m’y démener ! — Alors j’épouserai la fille cadette de Warwick… — Qu’importe que j’aie tué son mari et son père ? — Le moyen le plus prompt de faire réparation à cette donzelle, — c’est de devenir moi-même son mari et son père. — Je serai l’un et l’autre, non pas tant par amour — que dans un but secret — que je dois atteindre en l’épousant. — Mais me voilà toujours à mettre la charrue avant les bœufs. — Clarence respire encore ; Édouard vit encore et règne. — Quand ils ne seront plus là, alors je ferai le compte de mes bénéfices.

Il sort.

SCÈNE II.
[Londres. Une rue.]
Des gentilshommes entrent, portant, entre deux haies de hallebardiers, le corps du roi Henry VI, déposé dans un cercueil ouvert. Lady Anne conduit le deuil.
LADY ANNE, aux gentilshommes.

— Déposez, déposez votre honorable fardeau, — si toutefois l’honneur peut être enseveli dans un cercueil ; — laissez-moi me répandre en lamentations funèbres — sur la chute prématurée du vertueux Lancastre.

La procession s’arrête. Les gentilshommes posent le cercueil à terre.

— Pauvre image glacée d’un saint roi ! — Pâles cendres de la maison de Lancastre ! — Restes ensanglantés de ce sang royal ! — Qu’il me soit permis de supplier ton ombre — d’entendre les cris de la pauvre Anne, —