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SCÈNE X.
ils puissent, comme nous, en en relisant les articles, — se rappeler à quoi nous nous sommes engagés par serment, — et que tous nous gardions notre foi ferme et inviolable.
SALISBURY.

— Elle ne sera jamais violée de notre côté. — Mais, noble Dauphin, bien que nous ayons juré — un dévouement spontané et une fidélité volontaire — à votre gouvernement, pourtant, croyez-moi, prince, — je ne me réjouis pas de ce que les plaies de l’époque — réclament pour appareil la révolte méprisée, — et de ce qu’il faille guérir l’ulcère invétéré d’une seule blessure — en en faisant de nouvelles. Oh ! cela me navre l’âme — que je doive tirer ce fer de mon côté — pour être faiseur de veuves, et dans ce pays, hélas ! — où le nom de Salisbury est appelé — à la rescousse et à la défense de l’honneur. — Mais telle est la corruption du temps — que, pour rendre la santé et la force à nos droits, — nous ne pouvons agir qu’avec le bras même — de l’inflexible injustice et du désordre outrageant. — N’est-ce pas pitié, ô mes tristes amis, que nous, les fils, les enfants de cette île, — nous soyons nés pour voir cette heure sinistre — où nous marchons sur son sein chéri — derrière un étranger, et où nous grossissons — les rangs de ses ennemis…

Il essuie une larme.

(Je ne puis m’empêcher de m’interrompre et de pleurer — sur la flétrissure d’une telle nécessité !…) — pour faire honneur à la noblesse d’une terre lointaine — et pour suivre des couleurs inconnues, ici ! — quoi ! ici ! — Ô ma nation, si tu pouvais t’éloigner ! — si les bras de Neptune qui t’étreignent — pouvaient t’emporter des lieux où tu te reconnais — et t’entraîner sur une côte païenne ! — Là du moins, ces deux armées chrétiennes pourraient mêler — dans les veines de l’alliance leur sang