Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 3.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.

En 1199, un prince appelé Jean gouverne l’Angleterre. De quel droit ? En vertu de la loi héréditaire, la couronne devrait appartenir à Arthur Plantagenet, fils de Geoffroy, frère aîné de Jean. Mais Arthur n’est qu’un enfant âgé de onze ans, et Jean en a plus de trente. Arthur est faible, Jean est fort. Et voilà pourquoi Jean est roi. L’oncle a détrôné le neveu.

Au reste, ce n’est pas spontanément que Jean a commis une pareille usurpation. Il a été poussé à ce crime par sa mère, la reine Éléonore, une Médicis du Moyen Âge, qui le domine comme Catherine dominait Charles IX. Cette horrible vieille est jalouse de sa bru, la belle Constance, veuve de Geoffroy, et c’est pour l’empêcher d’être régente qu’elle a fait déposséder son petit-fils par son fils. « La reine Éléonore, dit Holinshed, était irritée contre son neveu Arthur, plutôt par haine de sa mère que par une juste rancune contre l’enfant ; car elle voyait que, s’il devenait roi, sa mère Constance voudrait garder le pouvoir dans le royaume, jusqu’à ce que son fils fût en âge de régner. »

L’Angleterre, la Normandie, le Maine, l’Anjou, l’Aquitaine reconnaissent la souveraineté de Jean, et il ne reste plus à Arthur que le duché de Bretagne. Mais Constance ne se résigne pas à cette tranquille dépossession de son fils ; elle réclame auprès de Philippe-Auguste ; le roi de France consent à soutenir les droits d’Arthur, mais à une condition, c’est qu’Arthur lui fera hommage pour toutes les provinces qu’il possède en France. Constance ayant accepté cette condition, Philippe n’hésite plus : il proclame Jean usurpateur et lui déclare la guerre.

Après huit mois de lutte, le roi de France s’est emparé de la Normandie, de l’Anjou, du Maine et de la Touraine. Mais que fait-il ? Au lieu de remettre ces provinces à son protégé, il les livre à son ennemi. Par le traité du