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SCÈNE VII.

HUBERT.

— Milord…

LE ROI JEAN.

Si tu avais seulement hoché la tête, ou fait une pause, — quand je t’ai dit obscurément ce que j’entendais, — ou si tu avais jeté un regard de doute sur ma face, — comme pour me dire de m’expliquer en termes précis, — une honte profonde m’aurait frappé de mutisme et fait briser là, — et tes appréhensions auraient produit en moi des appréhensions ; — mais tu m’as compris par mes signes, — et tu as répondu en signes au crime. — Oui, sans objection, tu as laissé consentir ton cœur — et, conséquemment, ta rude main à commettre — l’action que nos deux bouches avaient horreur de nommer ! — Hors d’ici ! et que je ne te revoie jamais ! — Mes nobles m’abandonnent ; et mon autorité est bravée, — jusqu’à mes portes, par les bandes d’une puissance étrangère. — Et, même au sein de ce domaine de chair, — jusque dans cet empire, dans cette région de sang et de souffle, — l’hostilité et la guerre civile règnent — entre ma conscience et la mort de mon cousin (37).

HUBERT.

— Armez-vous contre vos autres ennemis, — je vais faire la paix entre votre âme et vous : — le jeune Arthur est vivant. Ma main — est encore une main vierge et pure, — elle n’est pas colorée de taches de sang cramoisi. — Dans mon cœur n’est jamais entrée encore — la terrible motion d’une pensée meurtrière : — et vous avez calomnié la nature dans mes traits — qui, malgré leur rude aspect, — couvrent pourtant une âme trop belle — pour le boucher d’un enfant innocent.

LE ROI JEAN.

— Arthur est vivant ? Oh ! va vite trouver les pairs, — jette cette nouvelle sur leur rage enflammée, — et appri-