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tus qui sont comprises dans la probité, comme celle-ci est détruite en moi par le mensonge, vous voyez combien je suis incapable de gouverner aucune province ou aucun royaume. Ainsi, puisque vous avez trouvé des remèdes pour habiller et cacher mes autres vices, je vous prie de trouver un expédient pour couvrir ce vice-là.

» Alors Macduff s’écria : — Non ! Celui-là est le pire de tous, et aussi je te laisse, et je dis : Ô malheureux, misérables Écossais, ainsi flagellés de calamités plus cruelles les unes que les autres ! Vous avez un tyran maudit et odieux qui règne sur vous sans droit et sans titre en vous opprimant de sa plus sanglante cruauté. Cet autre, qui a tous les droits à la couronne est si rempli des goûts inconstants et des vices manifestes des Anglais, qu’il n’est plus digne de la posséder : car, d’après sa propre confession, non-seulement il est avare, non-seulement il est en proie à une insatiable luxure, mais il est fourbe et traître à ce point qu’on ne peut avoir confiance dans aucune de ses paroles. Adieu, Écosse ! je me regarde comme un homme banni à jamais, sans espoir et sans consolation.

» Et à ces mots, des larmes saumâtres ruisselèrent le long de ses joues. Il allait partir lorsque enfin Malcolm le prit par la manche et lui dit : — Rassure-toi, Macduff, je n’ai aucun des vices que je viens d’énumérer, et, si j’ai plaisanté avec toi de cette manière, c’était uniquement pour éprouver ton âme : car déjà plusieurs fois Macbeth a cherché par ce moyen à me faire tomber dans ses mains ; mais plus je me suis montré lent à accéder à tes conseils pressants, plus je mettrai de diligence à les suivre.

» Sur ce, ils s’embrassèrent immédiatement, et, ayant promis de s’être fidèles l’un à l’autre, ils se mirent à délibérer sur le meilleur moyen d’accomplir tous leurs projets. »