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SCÈNE III.

CONSTANCE.

— Vous m’avez donné pour une couronne un simulacre — de couronne qui, soumis à la touche, — est reconnu sans valeur. Vous vous êtes parjuré, parjuré ! — Vous êtes venu le bras levé pour verser le sang de mes ennemis ; — et maintenant, le bras tendu, vous alliez ce sang au vôtre. — Le poing fermé et le sourcil froncé de la guerre — se détendent en amicales caresses et en une paix fardée ; — et c’est de notre oppression que s’est faite cette ligue. — Aux armes, ciel, aux armes contre ces princes parjures ! — Une veuve crie : Ciel, sois mon époux ! — Ne laisse pas les heures de ce jour sacrilége — terminer en paix ce jour ; mais, avant le coucher du soleil, — lance la discorde armée entre ces rois parjures ! — Entends-moi ! oh ! entends-moi !

L’ARCHIDUC.

Paix, madame Constance !

CONSTANCE.

— Guerre ! guerre ! pas de paix ! la paix est pour moi une guerre. — Ô Limoges ! … Ô Autrichien (33) ! tu déshonores — ta sanglante dépouille, toi, manant ! toi, misérable ! toi, poltron, — toi, petit en vaillance, grand en vilenie ! — toi, toujours fort du côté du plus fort ! — toi, champion de la fortune, qui ne te bats jamais — que quand cette capricieuse maîtresse est là — pour t’apprendre à te sauver ! tu t’es parjuré, — toi aussi, et tu flagornes la force ! Quel bouffon es-tu donc ? — bouffon rampant qui faisais le matamore et qui pestais et qui jurais — pour ma défense ! Maroufle à sang froid, — ne parlais-tu pas comme un tonnerre en ma faveur ? — N’étais-tu pas mon soldat juré, me disant de me confier — à ton étoile, à ta fortune et à ta puissance ? — Et voilà que tu passes à mes ennemis ! — Tu portes une peau de lion ; jette-la