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devant cette alliance, — bien plus vite que devant la violence de la poudre, — nous ouvrirons tout grand le passage, — et nous vous donnerons accès ; mais, sans cela, — sachez-le, les mers ne sont pas aussi sourdes dans leur rage, — les lions plus résolus, les montagnes et les rocs — plus immuables, non, ni la mort elle-même — plus acharnée dans sa fureur meurtrière, — que nous, pour défendre cette cité !
LE BÂTARD.

Voyez donc comme cet adversaire — secoue hors de ses guenilles le squelette — de l’antique mort ! Cet être-là est bien embouché, vraiment. — Comme il vous crache meurtres, montagnes, rocs et mers ! — Il cause aussi familièrement de lions rugissants, — qu’une fille de treize ans d’un petit de sa chienne ! — De quel canonnier tient-il donc ce sang ardent ? — Sa parole est un vrai coup de canon avec fumée et ricochet. — Il donne la bastonnade avec sa langue ; — nos oreilles en sont tout étrillées : un mot de lui — assomme mieux qu’un coup de poing français ! — Morbleu ! je n’ai jamais été aussi houspillé de paroles, — depuis la première fois que j’ai appelé le père de mon frère : papa !

Philippe, Louis et l’Archiduc causent à voix basse.
LA REINE-MÈRE, à part, au roi Jean.

— Mon fils, prêtons-nous à ce rapprochement, faisons ce mariage, — donnons à notre nièce une dot convenable : — car, par ce nœud-là, tu attacheras sûrement — la couronne encore mal assurée sur ta tête ; — et ce faible rejeton n’aura plus assez de soleil pour mûrir — la fleur qui promet le fruit de la puissance. — Je vois dans les regards du Français une disposition à céder. — Vois comme ils chuchotent ! Presse-les, tandis que leurs âmes — sont capables de cette ambition, — de peur que leur zèle, en train de fondre, — ne se raffermisse et ne