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LE ROI JEAN.
— Pouviez-vous ne pas livrer votre cœur, — comme un tribut de soumission à un amour souverain, — à ce Richard dont le lion intrépide n’osa pas affronter la furie et la force incomparables, — et contre qui il ne put défendre son royal cœur (28) ? — Celui qui forcément dérobe le cœur des lions — peut aisément conquérir celui d’une femme. Oui, ma mère, — c’est avec tout mon cœur que je te remercie de mon père ! — Qu’un vivant ose seulement dire que tu n’as pas bien fait — de m’enfanter ainsi, et j’enverrai son âme en enfer ! — Venez, madame, je vais vous présenter à ma famille : — et tout le monde dira que, le jour où Richard fut mon père, — si vous aviez dit non, c’eût été un péché ! — Quiconque prétend que c’en fut un de céder, a menti ; je lui dis : Ce n’est pas vrai !
Ils sortent.

SCÈNE II.
[En France. Devant les murs d’Angers.]
Entrent, d’un côté, à la tête de ses troupes, l’Archiduc d’Autriche, vêtu d’une peau de lion ; de l’autre, Philippe, roi de France, et ses troupes ; Louis, Constance, Arthur ; des gens de la suite.
LOUIS, à l’archiduc.

— Devant Angers, brave Autriche, heureux de vous rencontrer !… — Arthur, ton grand prédécesseur, — ce Richard qui déroba le cœur du lion — et qui fit les saintes guerres en Palestine, — fut couché avant l’heure dans la tombe par ce brave duc ; — et lui, voulant faire réparation à sa postérité, — il est venu ici, sur nos instances, — pour déployer ses couleurs, enfant, en ta faveur, — et pour punir l’usurpation — de ton oncle déna-