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SCÈNE I.
ressembler à ton frère, pour jouir de tes terres, — ou être réputé le fils de Cœur de Lion, — seigneur de ta haute mine, sans terre aucune ?
LE BÂTARD.

— Madame, si le sort avait voulu que mon frère fût fait comme moi — et moi comme lui, semblable à sir Robert, — si j’avais eu, ainsi que lui, des jambes en forme de deux houssines, — des bras doublés de peau d’anguille, et une face si maigre, — que je n’eusse pas osé m’attacher une rose à l’oreille, — de peur qu’on eût dit : Regardez ce trois-farthings (24), — si, en sus de sa tournure, j’avais hérité de tout ce royaume, — je veux ne jamais bouger de cette place, — s’il n’est pas vrai que j’en eusse cédé jusqu’au dernier pouce pour avoir la figure que j’ai ; — à aucun prix, je ne voudrais être messire Nabot !

ÉLÉONORE.

— Tu me plais. Veux-tu renoncer à ta fortune, — lui léguer ta terre et me suivre ? — Je suis un soldat dont le poste est en France.

LE BÂTARD, à Robert.

— Frère, prenez mon bien ; moi, je prends ma chance. — Votre face vous vaut cinq cents livres par an ; — pourtant vendez-la cinq pences, et ce sera cher.

À Éléonore.

— Madame, je vous suivrai jusqu’à la mort.

ÉLÉONORE.

— Non, j’aime mieux que vous alliez là devant moi.

LE BÂTARD.

— Il est dans les mœurs de notre pays de céder le pas à nos supérieurs.

LE ROI JEAN.

— Quel est ton nom ?

LE BÂTARD.

— Philippe, mon suzerain, voilà mon prénom ; —