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LE ROI JEAN.
de vastes étendues de mers et de côtes — entre mon père et ma mère — (je l’ai entendu dire à mon père lui-même), — lorsque le robuste gentilhomme que voilà fut conçu. — À son lit de mort, mon père me légua — ses terres par testament, et jura sur sa mort même — que ce fils de ma mère n’était pas de lui, — ou que, s’il l’était, il était venu au monde — quatorze grandes semaines avant le temps voulu. — Ainsi, mon bon suzerain, faites-moi rendre ce qui m’appartient — suivant la volonté de mon père, la succession de mon père.
LE ROI JEAN.

— Drôle, votre frère est légitime ; la femme de — votre père l’a eu après le mariage ; — si elle a triché, la faute en est à elle. — Cette faute est un des risques que courent tous les maris — le jour où ils prennent femme. Supposez que mon frère, — après avoir, comme vous le dites, pris la peine de faire ce fils-là, — l’eût réclamé de votre père comme son fils, — n’est-il pas vrai, l’ami, que votre père aurait pu garder — ce veau de sa vache, en dépit du monde entier ? — Oui, vraiment, il l’aurait pu. En admettant qu’il fût de mon frère, — mon frère ne pouvait pas le réclamer : — donc, même l’enfant n’étant pas de lui, — votre père ne pouvait le renier. Cela est concluant. — Le fils de ma mère a fait l’héritier de votre père ; — l’héritier de votre père doit avoir les biens de votre père (23).

ROBERT.

— La volonté de mon père sera donc de nul effet — pour déposséder l’enfant qui n’est pas le sien ?

LE BÂTARD.

— Elle n’aura pas plus l’effet de me déposséder, qu’elle n’a eu celui de m’engendrer, je présume.

ÉLÉONORE, au Bâtard.

— Qu’aimerais-tu mieux : être un Faulconbridge — et