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choses : premièrement, — que ces arts diaboliques ont existé et existent toujours ; secondement, qu’ils méritent un jugement rigoureux et une punition sévère[1]. »

Il faut en convenir, Jacques VI a beau jeu dans cette discussion. Il a pour lui les arguments les plus puissants, le consentement universel, la tradition historique, et enfin cette autorité suprême : la Bible. Aussi de quel ton triomphant il répond à ses adversaires ! On nie la sorcellerie ! eh ! qu’est-ce donc que la lutte entre Moïse et les magiciens de Pharaon ? Qu’est-ce donc que l’évocation de l’ombre de Samuel par la pythonisse ? On nie la féerie ! on nie le pouvoir qu’ont les créatures sublunaires de dire l’avenir ? Eh ! pourquoi donc l’histoire est-elle pleine des prédictions des sibylles et des prophéties des augures ? On nie les visites du diable sur la terre ? Est-ce que, dans la Bible même, Satan n’a pas rompu son ban ? Est-ce qu’il n’apparaît pas, tantôt sous la forme du serpent, tantôt sous la forme du dragon, tantôt sous la forme de Judas ? On prétend que les femmes qui s’accusent elles-mêmes d’être en rapport avec le démon sont des mélancoliques qui veulent en finir avec la vie ? Eh ! n’a-t-on pas vu figurer dans le dernier procès des femmes riches, bien portantes, heureuses ? Qui ne sait que le prince des ténèbres a des séductions pour tous ? qu’au pauvre il offre la richesse, au riche la vengeance, au désespéré l’espoir ? On a soutenu que les démoniaques sont simplement de malheureux épileptiques ! Comment se fait-il alors que l’eau sainte les mette en fureur et qu’ils tremblent au nom du Christ ? On crie à la cruauté, lorsque les coupables sont jetés au bûcher ! Est-ce que ces arrêts ne sont pas la stricte exécution d’une sentence divine ?

  1. Préface au traité de la Démonologie. Œuvres complètes de Jacques Ier. Londres, 1619, pages 87 et 88.