Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/80

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il y avait un précédent tout récent à ce monstrueux arrêt.

Vers 1570, une fermière nommée Élisabeth Dunlop, qui demeurait dans la baronnie de Dairy (Ayrshire), était au lit, sur le point d’accoucher. Un soir qu’elle était seule, une dame à l’apparence parfaitement respectable entra dans sa chambre, s’assit un moment sur un banc, près du lit, et demanda un verre d’eau, en disant qu’elle avait grand’soif. Malgré son état critique, Élisabeth se leva, prit une cruche sur le buffet et remplit un verre qu’elle présenta à l’inconnue. La dame remercia et partit.

Peu de temps après cette singulière visite, il y eut dans la ferme comme une épidémie. Une des vaches mourut ; deux moutons tombèrent malades ; l’enfant qu’Élisabeth venait de mettre au monde fut pris d’une coqueluche, et son mari, André Jacques, se coucha avec la fièvre.

C’était plus qu’il n’en fallait pour accabler la pauvre Élisabeth. Un jour qu’elle conduisait les vaches au pré commun du village, au moment où elle passait par l’enclos Monkcastle, pleurant, sanglotant, et se mettant la tête dans son tablier, elle fut abordée par un personnage qu’elle ne connaissait pas. Ce personnage était habillé à l’ancienne mode. C’était un vieillard à barbe grise. Il portait, des bas blancs noués par une jarretière au-dessus du genou, un haut de chausse gris, un habit gris à manches lombardes, un chapeau noir bordé de dentelle de soie, et tenait une baguette blanche à la main. Le nouveau venu s’adressa à Élisabeth par son petit nom :

— Par Sainte Marie ! Bessie, quelle est la chose terrestre qui te fait pleurer si fort ?

— Ah ! Monsieur, n’ai-je pas raison de me désoler ? Voilà ma plus belle vache morte ! mes moutons mou-