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disait dans la préface d’un ouvrage sur la Démonomanie, publié à Paris en 1582, avec privilége du roi et dédié au président de Thou : « Il n’y a guère moins d’impiété de révoquer en doubte s’il est possible qu’il y ait des sorciers que révoquer en doubte s’il y a un Dieu. »

Dans la Bible, Jacob ne lutte-t-il pas avec l’ange ? La Pythonisse d’Endor n’évoque-t-elle pas l’âme de Samuel ? Saint Paul ne chasse-t-il pas le démon du corps d’une jeune fille ? Donc, suivant les croyances d’alors, l’homme pouvait exercer son action sur les esprits de tous ordres. Mais cette action même était qualifiée diversement selon la nature des esprits auxquels l’homme s’adressait.

Remarquez bien ici la distinction.

Quand l’homme avait recours aux esprits de ténèbres, il pratiquait la magie noire. Quand il se mettait en rapport avec des esprits de lumière, il exerçait la magie blanche.

Dans le premier cas, il était sorcier.

Dans le second, il était enchanteur.

Le sorcier réclamait les services du mauvais ange. Pour les obtenir, il s’engageait solennellement, par écrit ou par serment public, à abjurer le christianisme. Il devait marcher sur la croix, cracher sur les sacrements, renoncer à Dieu, à ses pompes et à ses œuvres. Moyennant quoi, Satan accordait au sorcier le bonheur que Dieu lui refusait ici-bas.

C’était là, en effet, le grand moyen de propagande du diable. Jésus prêchait à l’homme la pénitence ; Satan lui prêchait la jouissance. Jésus prêchait la pauvreté ; Satan prêchait l’opulence. Jésus prêchait le jeûne ; Satan prêchait la bonne chère. Jésus prêchait l’abstinence ; Satan prêchait la satisfaction. Jésus prêchait l’idée ; Satan prêchait la matière. Jésus disait : Rends le bien pour le mal ; Satan disait : Rends le mal pour le mal.