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obscur, nommé Robert Bruce, vint trouver Thomas dans son manoir et lui demanda quelle serait la destinée de sa race. Thomas lui répondit par ces vers que la tradition a conservés religieusement :

Who shall rule the isle of Britaine,
From the north to the sout sey?
A French queene shall beare the sonne,
Shall rule all Britaine to the sea ;
Which of the Bruce’s blood shall come,
As neere as the nint degree.

« Qui gouvernera l’île de Bretagne, du nord au sud ? Une reine française mettra au monde le fils qui gouvernera toute la Bretagne jusqu’à la mer : il sortira du sang de Bruce, dès le neuvième degré. » Le chroniqueur Fordun, l’archevêque Spottiswoode et le roi d’armes Nisbet ont certifié l’authenticité de cette prédiction que Shakespeare a vue s’accomplir. En 1603, les deux couronnes d’Angleterre et d’Écosse ont été réunies sur la tête de Jacques Ier, le neuvième descendant de Robert Bruce, le fils de la reine de France Marie de Guise.

Mais laissons là les prophéties et revenons au prophète.

Un soir d’automne de l’année 1298, il y avait fête au manoir d’Enceldoune. Thomas le Rimeur avait reçu la visite du grand lord Douglas et fêtait l’arrivée de son hôte dans un beau banquet. Tous les seigneurs et toutes les dames des châteaux voisins avaient été invités. Le repas était plein de gaieté et de liesse ; les verres s’entre-choquaient ; les joyeux propos et les tendres regards s’échangeaient. La soirée était si douce que les croisées avaient été ouvertes, et la lune, ainsi conviée, allongeait ses coudes blancs sur la table.

Tout à coup, une rumeur partie du village situé au bas de la colline se fait entendre. Cette rumeur grandit