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Le char magique avançait… Comme ils approchaient du but, les coursiers semblaient gagner de vitesse ; la mer ne se distinguait plus ; la terre apparaissait comme une vaste et sombre sphère ; l’orbe du soleil, dégagé de nos nuages, tournait dans un cercle noir ; ses rayons de rapide lumière s’écartaient autour du char, plus prompt encore, et retombaient, comme l’écume mousseuse qui jaillit de la lame bouillonnante devant la proue d’un navire.

Le char magique avançait… L’orbe lointain de la terre apparaissait comme la plus petite lumière qui clignait dans le ciel, tandis que, le long de la voie du chariot, d’innombrables systèmes roulaient, et que des sphères incalculables épanchaient une splendeur toujours variée. C’était un spectacle prodigieux. Les unes avaient une corne comme le croissant de la lune ; d’autres jetaient un rayonnement doux et argentin comme en jette Hespérus sur la mer occidentale ; d’autres lançaient des traînées de flamme, comme autant de mondes poussés à la mort et à la ruine ; d’autres brillaient comme des soleils, et, sur le passage du chariot, éclipsaient toute autre lumière.

Esprit de la nature ! c’est ici, dans ce désert interminable de mondes, dont l’immensité donne le vertige même à la fantaisie en essor, c’est ici qu’est le temple à ta taille ! Pourtant, la plus petite feuille qui frissonne au passage de la brise n’en est pas moins animée par toi ; pourtant, le plus humble ver qui rampe dans les tombeaux et s’engraisse des morts n’en a pas moins sa part de ton souffle éternel ! Esprit de la nature ! ô toi ! c’est dans ce milieu impérissable, c’est ici qu’est le temple à ta taille !