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ALONSO.

— Ces événements ne sont pas naturels. Ils deviennent — de plus en plus étranges.

Au bosseman.

Dites-moi, comment êtes-vous venus ici ?

LE BOSSEMAN.

— Si je croyais, seigneur, être bien éveillé, — j’essaierais de vous le dire. Nous étions morts de sommeil, — et (comment ? nous ne savons) tous entassés sous les écoutilles, — quand, tout à l’heure, un bruit bizarre, où se mêlaient — des rugissements, des cris, des hurlements, des cliquetis de chaînes — et toutes sortes de sons horribles, — nous a réveillés. Soudain, nous étions libres, — et nous contemplions, dans toute la fraîcheur de sa parure, — notre bon et vaillant navire royal ; notre maître — bondissait pour le voir. En un clin d’œil, ne vous déplaise, — nous avons été séparés des autres comme dans un rêve, — et amenés ici, malgré nos grimaces.

ARIEL, à part, à Prospero.

Ai-je bien fait les choses ?

PROSPERO, à part

— À merveille ! La diligence même ! Tu vas être libre.

ALONSO.

— Voilà bien le plus étrange dédale où jamais homme ait mis le pied. — Dans une affaire pareille, la nature — ne saurait servir de guide. Il faut que quelque oracle — dirige notre intelligence.

PROSPERO.

Seigneur, mon suzerain, — ne vous fatiguez pas à rebattre votre esprit — de l’étrangeté de cette affaire. Nous choisirons un moment — bientôt, et je vous expliquerai en particulier, — d’une façon qui vous paraîtra plausible, chacun — des accidents qui sont arrivés… Jusque-là, réjouissez-vous, — et croyez que tout est bien.