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PROSPERO.

J’en suis désolé, seigneur.

ALONSO.

— Irréparable est la perte ; et la patience — la déclare irrémédiable.

PROSPERO.

Je crois plutôt — que vous n’avez pas réclamé son secours : sa douce vertu, — pour une perte semblable, me prête une aide souveraine — et me calme par la résignation.

ALONSO.

Vous ! une perte semblable !

PROSPERO.

— Aussi grande que la vôtre, aussi récente ; mais, pour rendre supportable — une perte si chère, je n’ai pas de moyens aussi puissants — que vous de me consoler. J’ai — perdu ma fille.

ALONSO.

Une fille ! — Ô ciel !… que ne sont-ils tous deux vivants, à Naples, — lui, roi, elle, reine ! Pour qu’ils le fussent, je voudrais — être moi-même embourbé dans le lit de vase — où repose mon fils… Quand avez-vous perdu votre fille ?

PROSPERO.

— Dans la dernière tempête… Je vois que ces seigneurs — sont tellement émerveillés de cette rencontre, — qu’ils dévorent leur raison ; ils ne croient guère que — leurs yeux soient des organes de vérité, ni que leurs paroles — soient un murmure naturel ; mais, de quelque façon — que vous ayez été privés de vos sens, tenez pour certain — que je suis Prospero, ce même duc — qui fut jeté hors de Milan, et qui, par un prodige étrange, — débarqua sur ces plages où vous avez naufragé, — pour en être le seigneur… Assez sur ceci : — c’est une chronique à raconter