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qui vous réjouissez — d’entendre le solennel couvre-feu ; vous à l’aide de qui, — tout faibles maîtres que vous êtes, j’ai obscurci — le soleil en plein midi, évoqué les vents mutins, — soulevé entre la verte mer et la voûte azurée — une guerre rugissante, mis le feu — au redoutable tonnerre qui gronde, et brisé le grand chêne de Jupiter — avec sa propre foudre : vous à l’aide de qui j’ai ébranlé — les promontoires aux fortes bases, arraché par les racines — le pin et le cèdre, et impérieusement obligé les tombeaux — à réveiller leurs dormeurs, à s’ouvrir et à les laisser aller, — de par mon art tout-puissant ; soyez témoins ! cette orageuse magie, — je l’abjure ici ! Je ne réclame plus de vous, — et c’est mon dernier ordre, qu’une musique céleste, — qui agisse à mon gré sur les sens de ceux — que je soumets à son charme aérien. Et puis je briserai ma baguette, — je l’ensevelirai à plusieurs brassées dans la terre, — et, à une profondeur que la sonde n’a jamais atteinte, — je noierai mon livre (27).
Musique solennelle.
Rentre Ariel. Derrière lui, marche Alonso, faisant des gestes frénétiques et accompagné de Gonzalo, puis viennent, dans le même état, Sébastien et Antonio, accompagnés par Adrien et Francisco. Ils entrent tous successivement dans un cercle qu’a tracé Prospero et s’y arrêtent sous le charme. À mesure qu’ils se présentent, Prospero adresse la parole à chacun d’eux.
PROSPERO, à Alonso.

— Qu’un air solennel, le meilleur cordial — pour une imagination troublée, guérisse ton cerveau — qui, maintenant inutile, bouillonne sous ton crâne. Reste là, — un charme te retient. — Honorable Gonzalo, saint homme, — mes yeux, s’associant à l’expression des tiens, — laissent tomber des larmes amies… Le charme se dissout