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vieux seigneur Gonzalo. — Les larmes tombent sur sa barbe, comme les pluies d’hiver — du bord d’un toit de chaume. Vos charmes les travaillent si fort — que, si vous les voyiez maintenant, votre cœur — en serait attendri.
PROSPERO.

Crois-tu, esprit ?

ARIEL.

— Le mien le serait, monsieur, si j’étais un humain.

PROSPERO.

Le mien aussi le sera. — Toi qui n’es que de l’air, tu serais touché, ému — de leur affliction, et moi, — qui suis de leur espèce, moi qui ressens aussi vivement — les passions qu’eux, je ressentirais moins de pitié que toi ! — Quoiqu’ils m’aient blessé au vif par de hautes offenses, — ma raison est plus élevée encore, et je prends son parti — contre ma fureur. Il y a une plus rare action — dans la vertu que dans la vengeance. Du moment qu’ils se repentent, — j’ai atteint le but de mes projets, et je ne le dépasserai pas — d’un regard sévère de plus… Va, relâche-les, Ariel. — Je vais rompre mes charmes, leur rendre la raison, — et ils redeviendront eux-mêmes.

ARIEL.

Je vais les chercher, seigneur.

Il sort.
PROSPERO.

— Vous, sylphes des collines, des ruisseaux, des étangs et des halliers, — et vous qui, d’un pas sans empreinte, allez sur les plages — chassant Neptune, quand il retire, et le fuyant, — quand il revient ; vous, petits lutins, qui, — au clair de lune, faites dans la verdure ces cercles acres — où la brebis ne mord pas, vous dont le passe-temps — est de produire les champignons de minuit, et