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il ne vous reste rien que le repentir — et une vie désormais pure.
Ariel s’évanouit dans un coup de tonnerre. Alors, au son d’une musique douce, entrent les mêmes apparitions que tout à l’heure. Elles dansent en faisant des contorsions et des grimaces, et emportent la table.
PROSPERO, à part.

— Ce rôle de harpie, tu l’as parfaitement — joué, mon Ariel. Il avait une grâce ! dévorante ! — Tu n’as rien omis de ma leçon — dans ce que tu as dit ; de même, c’est avec une parfaite animation — et une étrange exactitude que mes ministres subalternes — ont fait chacun leur partie… Mes charmes suprêmes agissent, — et voici tous mes ennemis empêtrés — dans leur délire : ils sont désormais en mon pouvoir. — Je les laisse à leurs transports, pour aller visiter — le jeune Ferdinand qu’ils croient noyé, — et sa bien-aimée, ma bien-aimée !

Prospero sort.
GONZALO, à Alonso.

— Par ce qu’il y a de plus sacré, pourquoi restez-vous, seigneur, — dans cette étrange extase ?

ALONSO.

Oh ! c’est monstrueux ! monstrueux ! — Il m’a semblé que les vagues avaient une voix et me parlaient de cela ! — Les vents aussi me chantaient cela ! Le tonnerre, — cet orgue profond et terrible, prononçait le nom — de Prospero et murmurait ma faute sur sa basse !… — Ainsi, mon fils a pour lit le limon des mers, et — j’irai le chercher plus bas que la sonde, — et je m’ensevelirai avec lui dans la vase !

Il sort.
SÉBASTIEN.

Un seul démon à la fois, — et je bats toutes leurs légions !