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Ariel paraît sous la forme d’une harpie et bat des ailes sur la table. Par un tour habile, les mets s’évanouissent.
ARIEL.

— Vous êtes trois malfaiteurs. La destinée, — qui a pour instrument ce bas-monde — et ce qu’il contient, vous a fait vomir — par la mer insatiable sur cette île — où l’homme n’habite pas, parce que parmi les hommes — vous n’étiez plus dignes de vivre… Je vous rends furieux !

Alonso, Sébastien, Antonio, etc., mettent l’épée à la main.

— C’est avec ce courage-là que les hommes se pendent — et se noient ! Insensés ! moi et mes camarades, — nous sommes les ministres du destin. Les éléments, — dont ces épées sont forgées, pourraient aussi bien — blesser les vents aigus, ou, par des coups dérisoires, — pourfendre les eaux incessamment reformées, que faire tomber — une seule plume de mon aile. Mes compagnons-ministres — sont aussi invulnérables. Si vous pouviez nous blesser, — vos épées seraient trop massives pour vos forces — et ne se laisseraient plus soulever. Mais, souvenez-vous, — c’est ce que j’ai à vous dire, que, vous trois, — vous avez arraché de Milan le bon Prospero ! — vous l’avez exposé à la mer, qui vous en a punis, — lui et son innocente enfant ! Pour cette action noire, — les puissances, qui ajournent, mais n’oublient pas, ont — exaspéré les mers et les plages, oui, toutes les créatures, — contre votre repos… Toi, Alonso, — elles t’ont privé de ton fils… Elles vous préviennent tous par ma voix — qu’une perdition lente, bien pire qu’une mort — immédiate, vous suivra pas à pas — dans vos chemins. Pour vous garder de leur fureur, — qui autrement, dans cette île désolée, tomberait — sur vos têtes,