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matinée — que le soir où vous êtes près de moi. Je vous en supplie, — surtout afin que je le mette dans mes prières, — dites-moi votre nom !
MIRANDA.

Miranda… Ô mon père, — je viens, en le disant, de vous désobéir.

FERDINAND.

Admirable Miranda ! — Idéal, en effet, de l’admiration ! égale — à ce que le monde a de plus précieux !… J’ai regardé — bien des dames de l’œil le plus doux, et souvent — l’harmonie de leur voix a subjugué — ma trop complaisante oreille. Pour des qualités diverses — j’ai aimé diverses femmes, mais jamais — de toute mon âme ; car toujours quelque défaut — se querellait en elles avec les plus nobles grâces, — et leur portait un coup fatal… Mais vous ! ô vous ! — si parfaite ! si incomparable ! vous êtes créée — avec ce que chaque créature a de meilleur.

MIRANDA.

Je ne connais personne — de mon sexe. Pas de visage de femme que je me rappelle, — sauf le mien dans mon miroir ; et je n’ai vu, — à qui je puisse donner le nom d’homme, que vous, doux ami, — et mon cher père : comment sont faits les autres, — je ne sais guère. Mais par ma pureté, — ce joyau de ma dot, je ne désirerais pas — d’autre compagnon au monde que vous. — Mon imagination ne peut créer une forme — plus digne que la vôtre d’être aimée. Mais je bavarde — un peu trop follement, et j’oublie ainsi — les préceptes de mon père.

FERDINAND.

Par ma condition je suis — prince, Miranda. Je crois même que je suis roi, — hélas !… et je n’ai pas plus de goût pour subir — cette servitude sylvestre que pour laisser — une mouche à viande m’enfler la lèvre… Écou-