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— empêcha qu’on ne lui ôtât la vie. N’est-ce pas vrai ?
ARIEL.

— Oui, monsieur.

PROSPERO.

Cette stryge à l’œil bleu fut amenée ici grosse — et laissée par les matelots. Toi, mon esclave, — ainsi que tu l’affirmes, tu étais alors son serviteur ; — mais, comme tu étais un esprit trop délicat — pour accomplir ses ordres terrestres et abhorrés, — tu résistas à ses hautes volontés. Alors, — aidée de ministres plus puissants, — et animée de la plus implacable rage, — elle t’enferma dans le creux d’un pin. Ce fut dans cette crevasse — que, prisonnier, tu passas douloureusement — douze années. Pendant ce temps, elle mourut — et te laissa là, jetant au vent des gémissements — aussi répétés que les tours de roue d’un moulin. Alors, — excepté le fils qu’elle y avait mis bas, — un petit avorton tout roussi, cette île n’avait été honorée — d’aucune forme humaine.

ARIEL.

Si ! Caliban ! son fils !

PROSPERO.

— Être stupide, c’est ce que je dis : oui, ce Caliban — que je tiens maintenant à mon service… Tu sais très-bien — dans quels tourments je te trouvai : tes gémissements — faisaient hurler les loups et perçaient le cœur — des ours à jamais furieux ; c’était un supplice — de damné, que Sycorax — ne pouvait plus terminer : ce fut mon art, — dès que je t’entendis après mon arrivée, qui fit bâiller — le pin et te délivra.

ARIEL.

Merci, maître.

PROSPERO.

— Si tu murmures encore, je fendrai un chêne — et