Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/197

Cette page a été validée par deux contributeurs.
d’une autre personne ? — Fais-moi le portrait de quelque chose qui soit — resté dans ta mémoire.
MIRANDA.

C’est bien vague : — et plutôt comme un songe que comme une certitude — que ma mémoire garantisse. N’avais-je pas — autrefois quatre ou cinq femmes qui me servaient ?

PROSPERO.

— Oui, Miranda, et plus même ; mais comment se fait-il — que tout cela vive encore dans ton esprit ? Que vois-tu encore — dans le sombre fond et dans l’abîme du temps ? — Si tu te souviens de quelque chose avant ta venue dans cette île, — tu peux te rappeler comment tu y vins.

MIRANDA.

Mais c’est ce que je ne peux pas.

PROSPERO.

— Il y a douze ans, Miranda, il y a douze ans, — ton père était le duc de Milan et — un prince puissant !

MIRANDA.

Monsieur, n’êtes-vous pas mon père ?

PROSPERO.

— Ta mère était un modèle de vertu et — elle disait que tu étais ma fille. Ton père — était duc de Milan, et son unique héritière — était une princesse, rien de moins !

MIRANDA.

Ô cieux ! — Quelle trahison nous a fait partir de là-bas ? — ou quelle bénédiction ?

PROSPERO.

L’une et l’autre, ma fille. — Une trahison, comme tu dis, nous a enlevés de là-bas, — mais une bénédiction nous a portés jusqu’ici.