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sion ? — La moquerie et la dérision n’apparaissent jamais en larmes. — Voyez, je pleure en protestant de mon amour ; quand les protestations sont ainsi nées, — toute leur sincérité apparaît dès leur naissance. — Comment peuvent-elles vous sembler en moi une dérision, — quand elles portent ces insignes évidents de la bonne foi ?
HÉLÉNA.

— Vous déployez de plus en plus votre perfidie. — Quand la foi tue la foi, oh ! l’infernale guerre sainte ! — Ces protestations appartiennent à Hermia : voulez-vous donc l’abandonner ? — Quand ils se font contre-poids, les serments ne pèsent plus rien ; — ceux que vous nous offrez, à elle et à moi, mis dans deux plateaux, — se balancent et sont aussi légers que des fables.

LYSANDRE.

— Je n’avais pas de jugement quand je lui jurai mon amour.

HERMIA.

— Non, ma foi, pas plus qu’en ce moment où vous l’abandonnez.

LYSANDRE.

— Démétrius l’aime, et ne vous aime pas.

DÉMÉTRIUS, s’éveillant.

— Ô Héléna, déesse, nymphe, perfection divine ! — à quoi, mon amour, comparerai-je tes yeux ? — Le cristal est de la fange. Oh ! comme elles sont tentantes, — tes lèvres, ces cerises mûres pour le baiser ! — Dans sa pure blancheur glacée, la neige du haut Taurus, — que balaie le vent d’est, paraît noire comme le corbeau — quand tu lèves la main. Oh ! laisse-moi donner — à cette princesse de blancheur un baiser, sceau de la béatitude !

HÉLÉNA.

— Ô rage ! ô enfer ! je vois que vous êtes tous d’accord pour vous jouer de moi ! — Si vous étiez civils, si vous