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défendu la dame et occis son frère, parant aux coups rués sur la princesse innocente, et sans fiel ni malice quelconque.

» Il n’eut jà faute de témoins approuvant son fait, et qui déposèrent selon le dire du calomniateur, mais c’étaient ceux mêmes qui l’avaient accompagné comme participant de la conjure, et qu’au reste, au lieu de le poursuivre comme parricide et incestueux, chacun des courtisans lui applaudissait et le flattait en sa fortune prospère, et faisaient les gentilshommes plus de compte des faux rapporteurs et honoraient les calomniateurs plus que ceux qui, mettant en jeu les vertus du défunt, eussent voulu punir les brigands et assassineurs de sa vie, qui fut cause que Fengon, enhardi pour telle impunité, osa encore s’accoupler par mariage à celle qu’il entretenait exécrablement durant la vie du bon Horwendille, souillant son nom de double vice et chargeant sa conscience de double impiété, d’adultère incestueux et de félonie et parricide.

» Et cette malheureuse, qui avait reçu l’honneur d’être l’épouse d’un des plus vaillants et sages princes du Septentrion, souffrit de s’abaisser jusques à telle vilenie que de lui fausser sa foi : et qui pis est, épouser encore celui lequel était le meurtrier tyran de son époux légitime ; ce qui donna à penser à plusieurs qu’elle pouvait avoir causé ce meurtre pour jouir librement de son adultère. Que saurait-on voir de plus effronté qu’une grande, depuis qu’elle s’égare en ses honnêtetés ? Cette princesse, qui auparavant était honorée de chacun pour ses rares vertus et courtoisie, et chérie de son époux, dès aussitôt qu’elle prêta l’oreille au tyran Fengon, elle oublia et le rang qu’elle tenait entre les plus grands et le devoir d’une épouse honnête pour le salut de sa partie.

» Géruthe s’étant ainsi oubliée, le prince Amleth se