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festin prépares-tu dans ton antre éternel, — que tu as, d’un seul coup, — abattu dans le sang tant de princes ?
PREMIER AMBASSADEUR.

Ce spectacle est effrayant ; — et nos dépêches arrivent trop tard d’Angleterre. — Il a l’oreille insensible celui qui devait nous écouter, — à qui nous devions dire que ses ordres sont remplis, — que Rosencrantz et Guildenstern sont morts. — D’où recevrons-nous nos remercîments ?

HORATIO.

Pas de sa bouche, — lors même qu’il aurait le vivant pouvoir de vous remercier ; — il n’a jamais commandé leur mort. — Mais puisque vous êtes venus si brusquement au milieu de cette crise sanglante, — vous, de la guerre de Pologne, et vous d’Angleterre, — donnez ordre que ces corps — soient placés sur une haute estrade à la vue de tous, — et laissez-moi dire au monde qui l’ignore encore, — comment ceci est arrivé. Alors vous entendrez parler — d’actes charnels, sanglants, contre nature ; — d’accidents expiatoires, de meurtres fortuits ; — de morts causées par la perfidie ou par une force majeure, — et, pour dénoûment, de complots retombés par méprise — sur la tête des auteurs : voilà tout ce que je puis — vous raconter sans mentir.

FORTINBRAS.

Hâtons-nous de l’entendre, — et convoquons les plus nobles à l’auditoire ; — pour moi, c’est avec douleur que j’accepte ma fortune, — j’ai sur ce royaume des droits non oubliés, — que mon intérêt m’invite maintenant à revendiquer.

HORATIO.

— J’ai mission de parler sur ce point, au nom — de quelqu’un dont la voix en entraînera bien d’autres. — Mais agissons immédiatement, tandis — que les es-