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PREMIER PAYSAN.

Il est évident qu’elle est morte se offendendo, cela ne peut être autrement. Ici est le point de droit : si je me noie de propos délibéré, cela dénote un acte, et un acte a trois branches : le mouvement, l’action et l’exécution : argò, elle s’est noyée de propos délibéré.

DEUXIÈME PAYSAN.

Certainement ; mais écoutez-moi, bonhomme piocheur.

PREMIER PAYSAN.

Permets. Ici est l’eau : bon ; ici se tient l’homme : bon. Si l’homme va à l’eau et se noie, c’est, en dépit de tout, parce qu’il y est allé : remarque bien ça. Mais si l’eau vient à l’homme et le noie, ce n’est pas lui qui se noie : argò, celui qui n’est pas coupable de sa mort, n’abrége pas sa vie (31).

DEUXIÈME PAYSAN.

Mais est-ce la loi ?

PREMIER PAYSAN.

Oui, pardieu, ça l’est : la loi sur l’enquête du coroner.

DEUXIÈME PAYSAN.

Veux-tu avoir la vérité sur ceci ? Si la morte n’avait pas été une femme de qualité, elle n’aurait pas été ensevelie en sépulture chrétienne.

PREMIER PAYSAN.

Oui, tu l’as dit : et c’est tant pis pour les grands qu’ils soient encouragés en ce monde à se noyer ou à se pendre, plus que leurs frères chrétiens. Allons, ma bêche ! il n’y a de vieux gentilshommes que les jardiniers, les terrassiers et les fossoyeurs : ils continuent le métier d’Adam.

DEUXIÈME PAYSAN.

Adam était-il gentilhomme (32) ?

PREMIER PAYSAN.

Il est le premier qui ait jamais porté des armes.