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jalousie d’Hamlet — qu’il ne faisait que désirer et demander — votre prompt retour, pour faire assaut avec vous. — Eh bien ! en tirant parti de ceci…
LAERTES.

Quel parti, monseigneur ?

LE ROI.

— Laertes, votre père vous était-il cher ? — ou n’êtes-vous que la douleur en effigie, — un visage sans cœur ?

LAERTES.

Pourquoi me demandez-vous cela ?

LE ROI.

— Ce n’est pas que je pense que vous n’aimiez pas votre père ; — mais je sais que l’amour procède du temps, — et j’ai vu, par les exemples de l’expérience, — que le temps amoindrit l’étincelle et la chaleur. — Il y a à la flamme même de l’amour — une sorte de mèche, de lumignon, qui finit par s’éteindre. — Rien ne garde à jamais la même perfection. — La perfection, poussée à l’excès, — meurt de pléthore. Ce que nous voulons faire, — faisons-le quand nous le voulons, car la volonté change ; — elle a autant de défaillances et d’entraves — qu’il y a de langues, de bras, d’accidents ; — et alors le devoir à faire n’est plus qu’un soupir épuisant, — qui fait du mal à exhaler… Mais allons au vif de l’ulcère : — Hamlet revient. Qu’êtes-vous prêt à entreprendre — pour vous montrer le fils de votre père en action — plus qu’en paroles ?

LAERTES.

À lui couper la gorge à l’église.

LE ROI.

— Il n’est pas, en effet, de sanctuaire pour le meurtre ; — il n’y a pas de barrière pour la vengeance. — Eh bien ! mon bon Laertes, — faites ceci : tenez-vous renfermé dans votre chambre. — Hamlet, en revenant, ap-