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LE ROI.

Un simple ruban au chapeau de la jeunesse, — mais nécessaire pourtant ; car une — parure légère et frivole ne sied pas moins à la jeunesse — qu’à l’âge mûr les sombres fourrures — qui sauvegardent la santé et la gravité. Il y a quelque deux mois, — se trouvait ici un gentilhomme de Normandie ; — j’ai vu moi-même les Français, j’ai servi contre eux, — et je sais qu’ils montent bien à cheval,… mais celui-ci — était un cavalier magique : il prenait racine en selle, — et il faisait exécuter à son cheval des choses si merveilleuses — qu’il semblait faire corps et se confondre à moitié — avec la noble bête ; il dépassait tellement mes idées, — que tout ce que je pouvais imaginer d’exercices et de tours d’adresse, — était au-dessous de ce qu’il faisait.

LAERTES.

Un Normand, dites-vous ?

LE ROI.

— Un Normand.

LAERTES.

Sur ma vie, c’est Lamond.

LE ROI.

Lui-même.

LAERTES.

— Je le connais bien : vraiment, il est le joyau, — la perle de son pays.

LE ROI.

C’est lui qui vous rendait hommage, — il vous déclarait maître dans la pratique de l’art de la défense, — à l’épée spécialement ; — il s’écriait que ce serait un vrai miracle — si quelqu’un vous pouvait tenir tête. Il jurait — que les escrimeurs de son pays n’auraient ni élan, ni parade, ni coup d’œil, — si vous étiez leur adversaire. Ces propos, mon cher, — avaient tellement envenimé la