Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/260

Cette page a été validée par deux contributeurs.
tre les théâtres ordinaires (c’est ainsi qu’ils les appellent), que bien des gens portant l’épée ont peur des plumes d’oie, et n’osent plus y aller.
HAMLET.

Comment ! ce sont des enfants ? Qui les entretient ? D’où tirent-ils leur écot ? Est-ce qu’ils ne continueront pas leur métier quand leur voix aura mué ? Et si, plus tard, ils deviennent comédiens ordinaires, (ce qui est très-probable, s’ils n’ont pas d’autre ressource,) ne diront-ils pas que les auteurs de leur troupe ont eu grand tort de leur faire diffamer leur futur héritage ?

ROSENCRANTZ.

Ma foi ! il y aurait beaucoup à faire de part et d’autre ; et la nation ne se fait pas faute de les pousser à la querelle. Il y a eu un temps où la pièce ne rapportait pas d’argent, à moins que poëtes et acteurs n’en vinssent aux coups.

HAMLET.

Est-il possible ?

GUILDENSTERN.

Il y a déjà eu bien des cervelles broyées.

HAMLET.

Et ce sont les enfants qui l’emportent ?

ROSENCRANTZ.

Oui, monseigneur ; ils emportent Hercule et son fardeau (9).

HAMLET.

Ce n’est pas fort surprenant. Tenez mon oncle est roi de Danemark ; eh bien ! ceux qui lui auraient fait la grimace du vivant de mon père donnent vingt, quarante, cinquante et cent ducats pour son portrait en miniature. Sangdieu ! il y a là quelque chose qui n’est pas naturel ; si la philosophie pouvait l’expliquer !

Fanfare de trompettes derrière le théâtre.