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Que votre fils est fou, cela est vrai ; il est vrai que c’est dommage, — et c’est dommage que ce soit vrai : voilà une sotte figure. — Je dis adieu à l’art et vais parler simplement. — Nous accordons qu’il est fou. Il reste maintenant — à découvrir la cause de cet effet, ou plutôt la cause de ce méfait ; — car cet effet est le méfait d’une cause. — Voilà ce qui reste à faire, et voici le reste du raisonnement… — Pesez bien mes paroles… — J’ai une fille (je l’ai, tant qu’elle est mienne), — qui remplissant son devoir d’obéissance… suivez bien ! — m’a remis ceci. Maintenant, méditez tout, et concluez.
Il lit.

« À la céleste idole de mon âme, à la belle des belles, à Ophélia. »

Voilà une mauvaise phrase, une phrase vulgaire ; « belle des belles » est une expression vulgaire ; mais écoutez :

« Qu’elle garde ceci sur son magnifique sein blanc. »

LA REINE.

— Quoi ! ceci est adressé par Hamlet à Ophélia ?

POLONIUS.

— Attendez, ma bonne dame, je cite textuellement :

« Doute que les astres soient de flammes ;
Doute que le soleil tourne ;
Doute que la vérité soit la vérité,
Mais ne doute jamais de mon amour !

Ô chère Ophélia, je suis mal à l’aise en ces vers ; je n’ai point l’art d’aligner mes soupirs, mais je t’aime bien ! oh ! par-dessus tout, crois-le. Adieu !

À toi pour toujours, ma dame chérie, tant que cette machine mortelle m’appartiendra !

Hamlet. »

— Voilà ce que, dans son obéissance, m’a remis ma fille ; — elle m’a confié, en outre, toutes les sollicitations